Если душа родилась крылатой - Марина Цветаева
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A Maiakovski
Plus haut que les croix, plus haut que les chemineґes,Baptiseґ par le feu, baptiseґ par la fumeґe,Archange-aux-pieds-lourds —Salut a` toi dans les sie`cles, Vladimir!Il est le cocher, il est aussi le coursier,Il est la toquade, il est aussi la loi.Il soupire, il crache dans ses mains:— Tiens-toi bien, gloire charretie`re!Chantre des miracles sur la place publique,Salut a` toi, orgueilleux salopard,Qui choisit la lourdeur de la pierreEt non la seґduction du diamant.Salut a` toi, tonnerre de paveґs!Il ba ille, il respecte, — et, a` nouveau,Il rame — avec ses brancards — avecSes ailes d’archange charretier.
Louange pour aphrodite
1Bienheureux — ceux qui ont abandonneґ tes filles, Terre,Pour la lutte et pour la course. Bienheureux, —Ceux qui ont peґneґtreґ sur les Champs-ElyseґesSans e tre seґduit par la volupteґ.Le laurier y pousse, feuilles raidies et sobres, —Le laurier — chroniqueur, activiste au combat…— Je n’eґchangerai pas l’aplomb de l’amitieґ,Au-dessus des nuages, contre le foyer de l’amour.
2Deґja` les Dieux — deґja` —, ne te comblent plusSur les rives — deґja` —, d’une autre rivie`re.Vers la grande porte du couchant, versLa porte de Veґnus, volez, colombes!Pour moi, coucheґe sur les sables refroidis,Je me retirerai dans ce jour qui ne se compte pas…Car le serpent regarde sa vieille peau,Car j’ai deґpasseґ ma jeunesse.
Jeunesse
Ma jeunesse! Mon eґtrange`reJeunesse! Ma bottine deґpareilleґe!Les yeux rougis, presque fermeґs,On enle`ve une feuille au calendrier.La muse pensive n’a rien prisSur l’ensemble de ton butin.Ma jeunesse! Je ne te rappelle pas:Tu eґtais une charge et une corveґe.La nuit, tu murmurais pour moi avec ton peigne,La nuit, tu aiguisais tes fle`ches. Tu m’eґtouffaisDe tes largesses, comme sous de petits galets.Et je souffrais pour les peґcheґs des autres.Je te rends ton sceptre avant l’heure,Sans gou t, mon a me, pour les boissons et les mets.Ma jeunesse! Mes deґsordres —Jeunesse! Mon chiffon de vermeil!
Muse
Ni chartes, ni ance tres,Ni faucon clair. ElleMarche — elle s’ouvre, —Lointaine!Sous les paupie`res sombres —L’incendie aux ailes d’or.De sa main, haleґe par le vent,Elle a pris, elle a oublieґ.Le bas de sa robe non retrousseґe,Sarcasme, qui se fa che,Ni bonne ni meґchante,L’une et l’autre, lointaine.Elle ne pleure pas, ne geґmit pas:— Il tire tre`s fort, il est gentil! —De sa main, haleґe par le vent,Elle a donneґ, elle a oublieґ.Elle a oublieґ — ricanementsDe gorge et de cris d’oiseaux...— Dieu, garde-la,Si lointaine!
Amazones
Seins de femmes! Souffle figeґ de l’a me —Essence de femmes! Vague toujours priseAu deґpourvu et qui toujours prendAu deґpourvu — Dieu voit tout!Lice pour les jeux du deґlice ou de la joie,Meґprisables et meґprisants. — Seins de femmes! —Armures qui ce`dent! — Je pense a` elles...L’unique sein, — a` nos amies!...
Cheveux blancs
Ce sont des cendres de treґsors:Des pertes, des offenses.Ce sont des cendres, devant lesquelles —Le granit — tombe en poussie`re.La colombe, nue, lumineuseQui vit seule. Ce sontLes cendres de SalomonSur une grande vaniteґ.Redoutable craieD’un temps sans fin.Ainsi, Dieu me fait signe:— La maison a bru leґ!Non pas le seigneur des re vesEt des jours, pris dans ses hardes,Mais l’esprit — flamme verticale —Qui jaillit des preґcoces cheveux blancs!Vous ne m’avez pas trahie,De mes arrie`res, anneґes!Cette blancheur, c’est la victoireDes forces immortelles!
Emigrant
Vous e tes ici entre vous: maisons, monnaies, fumeґes,Et les femmes, et les ideґes,Sans reґussir a` vous aimer, sans reґussir a` vous unir,Alors, celui-ci ou celui-la`, —Comme Schuman avec le printemps sous son manteau:— Plus haut! Toujours plus haut!Alors, comme le treґmolo en suspens d’un rossignol —Cet eґlu ou tel autre,Le plus craintif —, car vous avez d’abord releveґ la te te,Puis leґcheґ les pieds!Perdu parmi les hernies et les harpies,Dieu, dans les lieux de perdition.Puis un de trop! Il vient d’en-haut! Un ressortissant!Un deґfi! Et qui n’a pas perdu l’habitude... De voirTrop haut... Qui refuse les potences... ParmiLes deґchets de devises et de visas...Un ressortissant.
PoEte
Le poe`te engage son discours de tre`s loin,Son discours engage le poe`te tre`s loin.Et par des plane`tes, des signes, par les fondrie`resDes paraboles deґtourneґes... Entre le oui et le non.Et lui-me me quand il s’envole du clocher,Il brise son crochet... puisque la voie des come`tesEst la voie des poe`tes. Des maillons eґparpilleґsDe la causaliteґ — voila` son bien! Le front leveґVous deґsespeґrez! Les eґclipses des poe`tesNe se repe`rent pas sur le calendrier.Il est celui qui bat les cartes et les fausse,Qui triche sur le poids et sur le compte,Il est celui qui, de sa place, interpelle,Et qui eґcrase la parole de Kant.Dans le cercueil de pierre des Bastilles,Il est comme un arbre dans toute sa beauteґ...Ses traces sont toujours froides, etIl est aussi ce train que tout le mondeManque...— Puisque la voie des come`tes —Est la voie des poe`tes: il bru le, il ne reґchauffe pas,Il brise, il ne construit pas — eґclatement, effraction —,Ton chemin est une ligne courbe aux cheveux longs,Il n’est pas repeґrable sur le calendrier.
Dialogue de Hamlet avec sa conscience
Par le fond, ou` sont le limon...Et les algues... Elle est alleґe dormir,La`, — et pas de sommeil, me me la`!— Mais moi je l’aimais,Plus que quarante mille fre`resNe peuvent l’aimer!— Hamlet!Par le fond, ou` sont le limon...Le limon!... Et sa dernie`re couronneEst venue se poser sur les troncs, la`...Mais, moi, je l’aimais— Plus que quarante mille...MoinsQuand me me, qu’un seul amant.Par le fond, ou` sont le limon...— Mais, moi, je —l’aimais??
La Lettre
On n’attend pas ainsi des lettres,On attend ainsi — une lettre.Un morceau de chiffon,Un filet de colleAutour. A l’inteґrieur — un mot.Du bonheur. — Et — c’est tout.On n’attend pas ainsi le bonheur,On attend ainsi — la fin:Des soldats, une salveEt, dans le cur — troisEclats de plomb. Du rouge aux yeux.Voila`. — Et — c’est tout.Pas le bonheur — je suis vieille!Les couleurs, — chasseґes par le vent!Le carreґ de la courEt le noir des fusils.(Le carreґ d’une lettre:L’encre, l’envou tement!)Pour le sommeil de la mortPersonne n’est vieux!Le carreґ d’une lettre.
Madeleine
1Entre nous: les Dix Commandements:La fournaise de dix bu chers.Le sang des miens me repousse, —Tu es pour moi — le sang eґtranger.Au temps des Evangiles, —J’aurais eґteґ une de celles...(Le sang eґtranger — le plus envieґ,Et le plus eґtranger de tous!)Vers toi, avec tous mes malheurs, —Je serais attireґe, coucheґe humblement —Clarteґ de ce que tu es! — Mes yeuxDe deґmons cacheґs, je verserais les onctions —Et sur tes pieds, et sous tes pieds,Et me me, simplement, dans le sable...Les marchands, la passion vendue,Repousseґe, — elle coule!Par la bave de la bouche, et par l’eґcumeDes yeux, et par la sueur de tous les deґlices.De mes cheveux j’enveloppe tes pieds,Comme dans une fourrure...Comme une quelconque eґtoffe, je m’eґtendsSous tes pieds... Mais, es-tu vraiment celui(Celle!) qui dit a` la creґature aux boucles de feu:Le`ve-toi, sur!
2Le flot du tissu, payeґ trois foisSon prix, et de la sueur des passions,Et des larmes, et des cheveux — le flotEntier coule, coule et LuiFixe d’un regard bienheureuxL’argile rouge et sec, et:Madeleine! Madeleine!Ne t’offre pas ainsi, tellement.
3Je ne vais pas t’interroger sur le chemin —Que tu as suivi: tout eґtait deґja` eґcrit.J’eґtais pieds nus, tu m’as chausseґDe la pluie de tes cheveux et —De tes larmes.Je ne te demande pas, — de quel prixSont payeґes ces huiles.J’eґtais nu, et des formesDe ton corps, toi, — comme d’un mur,Tu m’as entoureґ.Plus calme que l’eau, et plus bas que l’herbe,Je toucherai ta nuditeґ de mes doigts.Je me tenais droit, tu t’es pencheґe vers moi,Tu m’as appris la tendresse de ce geste.Fais-moi une place dans tes cheveux,Serre-moi dans les langes — et qui ne soient pasDe lin — Porteuse d’onctions!A quoi bon toutes ces huiles?A qui bon toutes ces huiles?Tu m’as baigneґComme une vague.Tu m’as aimeґe. La veґriteґEtait fausse. Le mensongeEtait since`re.Tu m’as aime`e — plus qu’on ne peut!Au-dela` des limites!Tu m’as aimeґe plus longtempsQue le temps. — Un revers de main,Et tu ne m’aimes plus:La veґriteґ tient en cinq mots.
Deux
1Il y a des rimes dans ce monde:On les seґpare — et il freґmit.Home`re, tu eґtais aveugle.La nuit — sur tes sourcils,La nuit — ton manteau de rhapsode,La nuit — le rideau sur tes yeux.Sans cela aurais-tu seґpareґHeґle`ne et Achille?Heґle`ne. Achille. DonneDes noms plus harmonieux.Oui, le monde est construitContre le chaos, pour l’harmonie,Et pousseґ a` la division,Il tient sa vengeance,— L’infideґliteґ des femmes —Il se venge — Troie en flammes!Rhapsode aveugle: tu as gaspilleґTon treґsor comme une chose de peu.Il y a des rimes assembleґes —Dans l’autre monde. Et notreMonde s’eґcroule dans la division. MaisQu’importent les rimes? Heґle`ne, vieillis donc!...Et le meilleur des hommes d’Achaїe!Et Sparte la voluptueuse!Il n’y a que le freґmissement des myrtes,Et le sommeil de la cithare:Heґle`ne, Achille:Une paire deґpareilleґe.
2Il n’est pas eґcrit, en ce monde,Qu’un puissant s’unisse a` un puissant.Ainsi Siegfried et Brunhild, seґpareґs,Un mariage reґgleґ par le glaive,Dans la haine fraternelle de cette union— Comme des buffles! — Roc contre roc.Il a quitteґ le lit nuptial, lui, inconnu,Elle, non reconnue — elle dormait.Seґpareґs! — me me sur le lit nuptial —Seґpareґs! — me me les mains jointes —Seґpareґs! — en notre langue double —Tardive et deґsunie — voila` notre union!Mais il est une offense encorePlus ancienne: l’Amazone abattue,Comme un lion, le fils de TheґtisN’a pas rencontreґ la fille d’Are`s:Achille n’a pas rencontreґPentheґsileґe.Souviens-toi, son regard vient d’en bas —Elle regarde comme un chevalier abattu!Son regard ne descend plus de l’Olympe —L’argile! — Et pourtant il vient d’en haut!Qu’importe cette jalousie qui seuleL’occupe: gra ce a` sa femme, il tireCela des teґne`bres. Ce n’est pas eґcrit,Il n’est qu’un eґgal — face a` un eґgal...Et nous ne nous rencontrons pas.
3Dans un monde ou` chacunS’abaisse et s’exteґnue,Je sais — un seulEgale ma vertu.Dans un monde ou` tantEt plus nous seґduit,Je sais — un seulEgale mon eґnergie.Dans un monde ou` toutEst lierre, moisissure,Je sais — un seul,Toi, — dans l’absolu,Mon eґgal.
Tentative de jalousie