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С.Д.П. Из истории литературного быта пушкинской поры - Вадим Вацуро

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La premi ère nuit que j’ai passée à la campagne a été fort agréable. Hier je suis arrivé ici vers 9 heures avec Princesses. En passant près de la porte d’Yakowleff, j’ai fait arrêter la voiture et je suis entré un instant chez lui pour m’excuser de ce que je n’ai pas pu l’attendre dans la journée. J’ai demandé de nouvelles de M-me P… ff. Pas un souffle de vie: il semble qu’on veut nous oub-lier tous les deux. Il est vrai que ma lettre a été un peu dure — mais j’étais outré par l’injustice qu’on m’avait faite. Pouvait-on penser que je me fusse ja-mais permis une action reprochable et m’en écrire sur le ton que si c’était la vérité déjà prononcée? Et qu’ai-je besoin de lire ces maudits chiffons de pa-piers? De quel intérêt sont-ils pour moi?

En arrivant nous avons de faire un tour dans la campagne. Madame Go-lowine m ’a reçu avec son amabilité accoutumée. Peu d’instants après les deux princesses sont venues. Nous avons été tous ensemble faire encore un tour jus-qu’à grand canal. J’ai fait à M-me Golowine des compliments de la part des jeunes Dournoff, et elle n’a pas manqué de me demander des nouvelles de M-me Ponomareff. Il y entrait un peu de malice. Je lui ai dit simplement qu’il y a plusieurs jours que je l’aie vue et que je ne comptais pas la revoir de sitôt. Elle m’a fait comprendre que ces disputes ne font que resserer les liens qui nous attachent à l’objet aimé, с ’est de quoi je douta fort, connaissant mieux mon ca-ractère.

Il semble que je respire ici plus à mon aise. Aujourd’hui nous nous sommes promenés à 9 heures avec le Prince, Madame Golowine et la jeune Princesse. Puis je suis entré un instant chez M-me Golowine pour lui apporter le roman d’Iwangoë que j’ai acheté exprès pour le lui faire lire, car elle m’a tourmenté depuis longtemps en me priant de lui procurer ce plaisir. Sa petite a été charmante: elle est endormie dans sa petite calèche, tandis que je causais avec la maman. M. Gol. m’a dit de paraître avec elle sur le balcon, afin d’éviter mauvaise interprétation qui pourrait bien avoir lieu avec les personnes dont on est ici entouré. J’aime beaucoup le caractère paisible de cette dame, elle rit, elle plaisante, elle ne donne aucune espérance ni permet d’en avoir, et pour-tant on passe son temps auprès d’elle avec beaucoup de plaisir, c’est une espèce d’amitié si ce mot peut être placé pour exprimer les rapports indiffé-rents de deux personnes d’un sexe différent. Je l’ai plaisanté sur son voisinage avec les beaux anglais de la suite de Mylady Chagot; elle m’a raconté qu’il y a deux jours que cette dame l’a comblée d’amitiés et qu’elles roulaient ensemble en calèche sur les Montagnes Russes de la campagne de M-er N<aryschkine>, qu’elle l’a invitée à passer chez elle, mais qu’aimant la solitude elle s’y est re-fusée.

A 8 heures du soir.

J’ai lu quelques pages de mon Tasso, j’ai eu quelq ues moments de tris-tesse; voilà le domestique qui vient de la part du Prince pour m’inviter au carrousel.

A 11 heures du soir.

Tout le monde s ’est retiré; je ne veux pas encore dormir; c’est surtout ce temps de réconcillement et de solitude qui me rend à mes tristes réflexions: j’ai été trop gai pendant toute la journée.

C ’est pourtant une jolie chose que ce carrousel avec des calèches at-telées de chevaux: la Princesse Natalie a fait tous les prix: M-me Golowine aussi. J’ai tant sautillé, jasé, ri, qu’on m’aurait pu prendre pour un échappé de la maison jaune. Nous nous sommes ensuite balancés la P. Natalie, Mme Gol…, Mr Sweschnikoff et moi, sur la flotte aérienne et sur la balançoire française que le Prince a imitée du jardin de Tivoli. Le soir j’ai joué deux parties au billard avec Mme Golovine que je lui ai fait gagner et une avec la Prin-cesse Barbe que j’ai gagnée: je donne 15 d’avance à chacune de ces dames. La Princesse Natalie s’est mise au piano, elle a joué et chanté la Ronde du Chaperon et la Romance du Compte Robert de la même pièce, puis La Placida Campagna. Jolie voix, très bonne manière, mais ce n’est pas celles de M-me P… ff: l’âme n’y est pas; j’en ai fait la remarque à Mr Sweschnikoff: il ne re-vient pas du tout ce que je lui dis du bien de M-me P… ff, lui qui aime tant les jeunes femmes. J’aime assez le chantre de M-me Golovine, elle ne surcharge pas sa voix de ce style maniéré et pourtant est agreable.

Ce 16 Juin à 11 heures du matin.

A neuf heures la Princesse Natalie m ’a envoyé dire à M-me Golovine de venir la joindre pour aller ensemble au canal de Ligoff: je suis entré chez M-me et je l’ai trouvé toute en pleurs: son enfant se trouve mal depuis cinq heures du matin. Enfin l’enfant s’est un peu pacifié et nous sommes partis, en partie carré, comme je le dis en plaisantant à la Princesse: elle, M-me G., Sw. et moi; Kürchner est parti pour la ville avec le Prince. A moitié chemin du canal de Ligoff nous avons rencontré une dame anglaise à cheval avec un chevalier à côté, qui courraient à tout bride par la grande allée. C’est une des nouvelles connaissances de M-me Golowine. Après une promenade de 4 verstes nous sommes rentrés vers 11 heures. La jeune Princesse a été très aimable et très gaie: elle vient de recevoir une lettre du cmte Zuboff.

A 11 heures du soir.

La soir ée s’est passée fort agréablement. A 7 heures le Prince est reve-nu de la ville. Mr. Golovine après avoir fui la partie de boston avec la Princes-se, Sweschnikoff et moi est parti. La Princesse et sa fille sont allées en voitur e, le Prince, K ürchner et Sweschnikoff se promènent à pied, je reste dans le salon avec Md Golovine qui se met au piano. Tout en jouant et en chantant elle me fait subir un interrogatoire; elle plaisante, je veux me fâcher et je ris: les Princesses sont rentrées. La Princesse mère, nous voyant seuls, en a fait une remarque en ricanant: elle nous a apostrophé d’inséparables. Ce mot m’a cho-qué; je me rappelai un mot semblable de Baktine et l’ai envoyé à tous les diab-les. J’ai été un peu confus, et ne me suis remis qu’à bout d’une demi-heure lorsque Md Golovine m’a proposé une partie de billard. Je lui ai dit en riant que cette fois-ci je ne la laisserai pas gagner et lui ai tenu la parole dans trois parties que j’ai jouées avec elle.

La jeune Princesse s ’est mise au piano; elle a joué et chanté plusieurs airs de Borgondio et même de Catalani avec beaucoup de goût et de justesse; elle a été d’une humeur charmante. Kürchner lui a proposé d’être son maître de chapelle ce qu’elle a accepté. Di tanti palpiti, Ombra adorata, Corne cervo foribondo etc. etc. ont été très bien exécutés. Kürchner finit par parodier quel-ques paroles des airs et je l’ai aidé. Nous avons fait rire la Princesse, le Prince et tout le monde. La gaieté de Md. Golovine et de la jeune Princesse ont beau-coup contribué à rendre cette soirée fort agréable. La Princesse Barbe n’a pas reparu toute l’après-dîner.

Au souper, le G énéral Prévost de Lamianc arrivé, nous a raconté les nouvelles du jour, comme c’est ordinairement son habitude. Il nous a dit le malheur qui est arrivé à l’acteur Durand dont le bateau a choppé près de Kres-towski ostrow: le pauvre Durand y a perdu un enfant à la mamelle.

Ce 17 Juin à 9 heures.

Nous avons d éjeuné, le Prince, le général, M. Sweschnikoff, Kürchner et moi, à 8 heures. Un moment après le Prince est encore parti pour la ville. J’ai vu un moment la P-sse Natalie; elles vont aussi à Kamenny-ostrow chez la maréchale. Le temps m’ayant paru détestable, je pris le parti de rentrer. J’ai écrit une lettre à M. Rousseau qui quitte bientôt Paris pour aller transplanter son embonpoint sur le sol d’Angleterre.

A 11 heures du soir.

La soir ée a été assez belle; après le carrousel et la promenade on s’est réuni au salon. J’ai joué au billard avec le Prince. Madame Golovine a chanté en se faisant accompagner par Kürchner qui faisait la grimace en exécutant plusieurs airs des romances françaises. Il a pourtant joué avec plaisir l’accom-pagnement de Per una sola fila et la musique du Prince Serge Golitzin pour la romance Je laime tant que Md. G. a chanté avec beaucoup de goût et de sentiment. Il faut que ce Prince Golitzin fût un homme sensible pour avoir composé un air si tendre et qui vient droit au cœur, surtout il est dans un parfait accord avec les paroles. Cette simplicité de sentiment, cette peinture d’un amour qui trouve dans toutes les choses l’objet de sa tendresse, se fait entendre et sentir dans la musique du Prince G. comme dans les vers de <нрзб.> Madame Golovine a aussi chant é plusieurs airs des opéras comiques françaises qui ont rap-pelée au Prince le séjour à Paris: il a été ranimé.

Samedi, ce 18 Juin, 1821, à 11 heures.

Nous nous sommes promen és avec le Prince et les Dames. La Princesse Nathalie a été d’une très bonne humeur, parcequ’elle a vu la veille des futures belles-soeurs et qu’elle a reçu une lettre du Comte Zouboff.

La soir ée s’est passée sur la plaine de jeux. Je me suis balancé sur la balançoire à cordes avec la Princesse Natalie: nous même mettions en mouve-ment la balançoire. J’ai saisi cette occasion pour lui parler de son promis. Elle a paru très satisfaite de l’intérêt que je prends à lui.

Dimanche, ce 19 Juin, à 11 heures.

Le Prince est parti pour Pawlowsk, parcequ ’il ne veut point dîner chez l’Impératrice le jour de gala le 26 juin. Les deux princesses et Md Golovine sont allées chez la maréchale. La princesse Barbe est malade. Elle m’a com-muniqué la lettre de sa sœur qui lui écrit qu’Alexis et son aimable épouse ne sont partis que 4 Juin de Charkoff. C’est Schydlowsky qui en fait part à Savva Martynoff. Le général Prévot boit comme une souche; Sweschnikoff est allé se promener en bateau sous le golfe; Kürchner accompagne le Prusse. J’attends vainement le zélateur Anastacéwitz pour aller avec lui en ville.

A 10 1/2 heures du soir.

Le Prince est revenu vers 7 heures. Nous avons eu beaucoup de monde dans le jardin d ’en haut. Le Comte Schérémeteff et Mr Simonin ont paru contents de me revoir; je n’ai pas encore été cette année-ci à la campagne du Comte: il m’en fait des reproches. Les deux Miss Simples, toute la famille de Séverine, Lady Bouzot avec son époux; son cousin Cotzeroff. Mr Bainkeur et plusieurs autres anglais; les enfants du Cte Orloff-Dénissoff; ceux du Cte Ko-nownitzin, beaucoup d’étrangers etc. ont peuplé le jardin. On se balançait aux différentes balançoires, on se roulait, on se promenait, et la soirée a été très animée. Nous sommes rentrés à six heures. Immédiatement après souper tout le monde s’est retiré, parce que le Prince s’est levé de très bonne heure et qu’il n’a pas eu le temps de faire sa sieste.

Demain j ’irai en ville, j’irai aussi voir Md Ponomareff. Voyons de quel air je serai reçu.

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